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L’effet papillon – Chapitre 33

23 novembre 2018

– Ce n’est pas ton colocataire là-bas ?

La mère de Nathan pointa du doigt Alex qu’on apercevait à travers la vitre du café. Nathan releva la tête et reconnut son petit ami qui nettoyait les tables vides de la boutique. Sans qu’il s’en rende compte, la petite marche qu’il faisait avec sa mère l’avait conduit ici.

Nathan fût rassuré de voir qu’il allait bien mais rapidement, une boule de stress se forma dans sa gorge en voyant sa mère entrer dans la boutique. Alex était tellement en colère contre lui de le présenter comme un simple colocataire, Nathan redoutait qu’il se venge en révélant toute la vérité. Il tenta d’arrêter sa mère mais ce fût trop tard, la sonnette d’entrée tinta quand elle ouvrit la porte. Alex salua ses clients mais le sourire qu’il gardait n’était qu’un sourire commercial. Nathan lisait dans ses yeux toute la peine qu’il éprouvait.

– Alex, c’est ça ? Demanda la mère de famille.
– Exact, lui répondit le garçon. Bienvenue. Voulez-vous essayer une de nos spécialités ? Je vous recommande le Latte à la citrouille.
– A la citrouille, c’est original. Allez, je vous fais confiance, essayons cela. Et toi Nathan, tu tentes ce latte ?
– Non je… commença son fils.
– Inutile de lui demander, ce serait comme toujours : un americano sans sucre. continua Alex.

Nathan sourit en entendant cela, ayant soudainement la sensation d’avoir encore une place importante dans le cœur d’Alex. Ce dernier passa derrière le comptoir pour préparer les boissons. La mère de famille se dirigea près de la fenêtre, s’installant sur une banquette confortable. Elle s’attendait à ce que son fils fasse de même mais il resta au milieu de la boutique sans pouvoir lâcher des yeux son colocataire.

Alex agissait comme si tout allait bien mais Nathan savait bien que c’était une façade. Il était souriant mais c’était surtout pour être poli et aimable avec ses clients. Il voulut préparer la boisson de Nathan mais il n’avait plus assez de grains de café. Il abandonna quelques instants son poste de travail pour se rendre dans la réserve, juste à côté.

Nathan sembla finalement retrouver ses esprits. A peine son ami avait-il poussé la porte de la réserve qu’il s’empressa de le rejoindre. Sa mère tenta d’interpeller son fils pour lui demander ce qu’il faisait mais il ne l’écoutait déjà plus. La mère de famille se retrouva brusquement seule dans la boutique.

– On pourrait parler deux minutes ? Fit soudainement Nathan en refermant la porte de la réserve derrière lui.
– C’est réservé aux employés ici, tu devrais rejoindre ta mère.

Alex lui répondit sans même le regarder. Il prit sur l’étagère le café qu’il cherchait. Il le saisit et réalisa soudain que deux bras s’enroulaient autour de sa taille.

– Qu’est ce que… Et si ta mère…
– Je m’en fous, tu me manques trop, dit le garçon en l’embrassant dans le cou.
– Nathan, c’est pas le moment.
– Tu m’en veux encore ? Je suis désolé de t’avoir présenté comme mon coloc.

Alex se retourna soudainement, plantant ses yeux dans celui de son petit ami. Nathan n’aimait pas qu’il le regarda ainsi. Il pouvait lire tellement de tristesse et d’inquiétude dans son regard.

– Je suis désolé, répéta Nathan qui tentait de l’embrasser pour se faire pardonner.
– Je ne suis pas fâché pour ça, fit Alex en refusant son baiser. Je t’en veux parce que tu m’as mis devant le fait accompli. Et puis tu as mêlé Ha-Neul à nos problèmes.
– C’est mon problème, corrigea Nathan.
– Tes problèmes sont aussi les miens. On est un couple je te le rappelle. Pourquoi tu veux toujours me tenir autant éloigner de ta famille ? Je ne suis pas assez bien ?
– Non, pas du tout.
– Je sais bien qu’ils sont homophobes et que tu as peur de leur réaction mais…
– Je ne veux pas que mon père te fasse du mal. Je tiens trop à toi.
– Je saurais me défendre, je suis costaud tu sais, fit Alex en lui montrant son biceps.

Alex tentait de dédramatiser la situation en faisant de l’humour. Nathan esquissa un sourire bien que son estomac se serra en pensant à ce que son père serait capable de faire en apprenant la vérité à son sujet. Le garçon s’était préparé à être renié par son père mais il redoutait ce qu’il pourrait faire à son petit ami.

En voyant cela, le coeur d’Alex se serra. Doucement, il enroula ses bras autour du corps de Nathan et l’attira au plus près de lui. Il se reprocha d’avoir fait l’enfant et de ne pas avoir donné signe de vie durant deux jours. Visiblement, Nathan avait des raisons d’avoir peur de son père mais refusait de les partager avec lui.

– Tu es la plus belle chose qui me soit arrivé, dit Nathan en passant ses bras autour du cou de son petit ami. Je ne peux pas laisser mon père d’atteindre. Je ne veux pas qu’il puisse te faire du mal d’une manière ou d’une autre. Il salit tout ce qu’il touche. Il a détruit tellement de vies. Je refuse qu’il s’en prenne à toi. S’il te plaît, sois juste patient. Une fois mon diplôme en poche, je te promets de prendre le premier avion pour le Texas avec toi. Je lui dirais que tu es l’homme de ma vie et que j’ai l’intention de vivre heureux avec toi jusqu’à la fin de ma vie. J’abandonnerais mon nom et ma famille pour toi. Sois juste patient. Je t’aime tellement Alex.

Alex n’attendait pas autant de sacrifices de la part de Nathan mais entendre toute ses promesses lui fit réaliser que son petit ami l’aimait vraiment. L’entendre lui dire “je t’aime” termina de le convaincre qu’il devait lui pardonner. Le couple s’aimait mais se le disait peu souvent. A vrai dire, en plus d’un an de relation, c’était seulement la deuxième fois que Nathan le disait. Alex ne doutait pas des sentiments de son petit ami. Les preuves de son attachement se trouvaient ailleurs, dans les petites attentions du quotidien. A ce jour, la plus belle preuve d’amour fût lorsque Nathan lui proposa d’emménager avec lui. Il ne pensait qu’il pourrait faire plus fort que cela et pourtant, il ne put s’empêcher de laisser couler une larme en entendant ces mots.

– Alex, pourquoi tu pleures ? Merde, j’ai encore tout foiré, je suis…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’Alex prenait possession de ses lèvres. Un baiser fougueux qui tentait de rattraper ces deux jours passés loin l’un de l’autre. Ils se détachèrent seulement quand ils manquèrent d’oxygène. Emportés par la passion, ils ne purent s’arrêter, reprenant leur échange. Alors que Nathan cherchait à défaire le tablier d’ Alex pour sentir la peau de son amant sous ses doigts, il renversa le contenu de l’étagère. Plusieurs paquets de café se retrouvèrent au sol. L’un d’entre eux s’enventra et des grains de café roulèrent sur le sol.

Nathan râla une seconde pour sa maladresse mais son attention se reporta aussitôt sur Alex lorsque son tablier tomba au sol. Il laissa glisser ses doigts sous le tee-shirt de son amant, suivant la ligne définie de ses abdominaux.

– C’est pas humain d’être si canon, susurra Nathan.

Alex eut un sourire en coin, ravi de la flatterie. On le complimentait souvent sur sa silhouette mais l’entendre de la part de l’homme qui comptait le plus pour vous n’avait pas la même saveur. Il se sentait presque gêné, le rouge lui montait aux joues. Il tenta de cacher son embarras en s’emparant une nouvelle fois des lèvres de Nathan. Leurs langues dansaient ensemble et les deux garçons ne firent plus attention à ce qui se passait autour d’eux.

– Oh pardon, je ne voulais pas vous déranger !

Une voix féminine les interrompit. Une voix que Nathan connaissait bien. Une voix qu’il ne voulait pas entendre ici. Son coeur qui battait déjà la chamade à cause de son baiser avec Alex sembla sur le point d’exploser. Ce qu’il redoutait le plus se déroulait à ce moment même. Une chaleur soudaine envahit tout son corps. La pièce semblait tourner tout autour de lui puis soudain le noir complet. Nathan s’effondra au sol, sous les yeux paniqués d’Alex.


Le temps était clément sur Osaka. La température avoisinait les 10 degrés, le ciel était dégagé et le soleil réchauffait le corps de Ha-Neul. Le café chaud qu’elle venait de prendre au Starbuck du coin aussi. Namjoon et elle s’étaient arrêtés dans un jardin d’enfant. Le lieu était désert mais à cette heure matinale, un jour de semaine, cela n’était pas étonnant.

– Tu voulais peut-être aller ailleurs ? Fit soudainement la jeune femme. Je voudrais pas que tu te sentes mal dans un endroit aussi… enfantin.

Ha-Neul cherchait ses mots pour ne pas blesser le garçon. Etre ici, lieu sacré de l’enfance, pourrait lui rappeler sa fille décédée. Elle regrettait de s’être assise sans lui demander d’abord son avis.

– On est très bien ici, rassura Namjoon.
– Tu es sûr ?
– Oui. De toute façon, peu importe où je suis, je pense toujours à Ah-Reum.

Ha-Neul fût ravie qu’il soit le premier à aborder le sujet. Elle ne savait pas comment entamer la conversation. Elle savait bien que ce qui préoccupait tant Namjoon était la mort de sa fille et sa séparation avec Ji-Kyung mais elle ignorait quoi lui dire pour lui remonter le moral. Finalement, elle n’eut pas besoin de se creuser la tête, ce fût Namjoon qui fut le premier à parler.

– On dirait que cela se passe bien. Pour Jungkook et toi. Je voulais m’excuser d’avoir été un peu rude la première fois que je t’ai rencontré.
– Pas besoin. Tu traversais une mauvaise période à ce moment-là.
– Peut-être mais j’aurais dû être plus sympa.
– En réalité, ton scepticisme m’a plutôt encouragée.
– Vraiment ? S’étonna le rappeur.
– Je me suis jurée de tout faire pour que mon histoire avec Jungkook fonctionne. Je me suis promis que j’arriverais à te faire changer d’avis à mon sujet. J’ai fait du mal à Jungkook en le rejetant une première fois, je m’en veux encore beaucoup. Je n’ai jamais douté de mes sentiments à son égard, j’étais juste… trop effrayée pour m’engager.
– Et qu’est ce qui t’a fait changer d’avis ?

Namjoon était réellement curieux. Après tout, il ne connaissait pas la jeune femme. Jungkook en parlait souvent mais il avait les yeux remplis d’amour lorsqu’il parlait d’elle. Namjoon ne remettait pas en cause le fait qu’elle soit extraordinaire mais il pensait que le maknae du groupe avait peut-être une vision un peu biaisée de la réalité. Il ne pouvait pas lui en vouloir, il ne retenait lui-même que les bons côtés de Ji-Kyung.

– Jungkook. Ce qu’il a dit, ce qu’il a fait… Cela m’a fait réaliser qu’il méritait que je prenne des risques. C’est pas ça l’amour, prendre des risques pour la personne qu’on aime ?

Namjoon hocha la tête. Il partageait l’avis de Ha-Neul mais réalisa soudain qu’il n’avait pas pris de risque pour Ji-Kyung. Était-ce pour cela que leur relation avait échoué ? En partie probablement, Namjoon avait accumulé les erreurs avec son ancienne petite amie. Il avait pris sa relation avec la jeune femme pour acquise, il ne s’était pas assez battu. Elle avait été tellement patiente, tellement tolérante durant presque deux ans. Elle avait fait tellement de sacrifices pour lui, en avait-il fait autant de son côté ? Il commençait à douter de lui-même.

– Tu en veux ?

Un melon pan apparut devant ses yeux. Il prit la brioche proposée par Ha-Neul. Il ouvrit le sachet tandis que la jeune femme mordait déjà dans la sienne.

– Tu crois que je n’ai pas pris assez de risques avec Ji-Kyung ? Demanda Namjoon avant de prendre une bouchée de son pain japonais.
– Je chais pas, fit Ha-Neul la bouche pleine.

Elle but une gorgée de café pour faire passer sa bouchée plus facilement et se retourna vers Namjoon qui semblait attendre sa réponse.

– Oppa, je ne sais pas. Chaque relation est différente. Ne compare pas. Je n’ai jamais rencontré Ji-Kyung mais je suis sûre que tu devais l’aimer énormément pour la protéger autant. Tu as réussi à cacher son existence à tout le monde ! Tu as pris des risques pour elle.
– Pas suffisamment apparemment.
– Tu l’as revu depuis…
– Non, coupa Namjoon qui comprit qu’elle voulait parler de la mort de sa fille. Notre dernière conversation a été par téléphone, le jour des funérailles de Ah-Reum. Je n’ose pas la rappeler, de toute façon, elle a probablement bloqué mon numéro. Je comprends qu’elle veuille m’oublier. Je n’ai pas été à la hauteur. J’aurais dû…
– Arrêtes de refaire l’histoire, fit Ha-Neul en posant sa main sur le bras de Namjoon. Est-ce que cela aurait changé quelque chose si tu étais rentré en Corée ? La presse te serait tomber dessus, l’agence aussi. Est-ce que ton couple aurait survécu à tous ses ennuis ?
– On ne le saura jamais et c’est ça qui m’énerve. Je regrette d’avoir agi de manière égoïste.
– Oppa, souffla la jeune femme.

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